La Pinéa
la partie méridionale du chaînon du Charmant Som

Le petit sommet de La Pinéa, qui culmine à 1771 m, est un piton rocheux coiffant l'extrémité méridionale de la voûte du chaînon du Charmant Som avant qu'elle s'abaisse vers le lit de la Vence. Il se reconnaît aisément, aussi bien quand on le voit du nord que du sud, par sa forme en croc qui résulte de ce qu'il est constitué par un petit panneau d'Urgonien, dont l'abrupt principal regarde vers le nord-ouest. Cette butte témoin d'Urgonien préservée par l'érosion (alors que, tout autour, cette dernière a en général mis à nu les calcaires du Fontanil) est un bel exemple de relief inversé car elle appartient à un synclinal de La Pinéa.

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La partie méridionale du chaînon du Charmant som, vue de Saint-Nizier en Vercors.
a.R = anticlinal du Rachais ; s.G = synclinal de Girieux ; s.Pr = synclinal de Proveysieux ; a.L = anticlinal de Leuilly ; s.P = synclinal de la Pinéa.
f.L = faille (décrochement) de Lera ; f.C = faille du Coléon ; ØC = chevauchement de l'écaille de Canaple ; Ø3 = chevauchement de la Chartreuse orientale (décrochement du Montfromage inclus) ; ØQ = faille (chevauchement ?) de Quaix ; f.bR = faille du Bois Ronzier et des Prés de Quaix.

En fait elle ne correspond pas (comme on le croit aisément du fait de la perspective) à un "volet" synclinal le symétrique de celui, plus volumineux, de Chamechaude, mais au cœur même d'un autre synclinal, plus occidental que l'anticlinal de l'Écoutoux. En effet la pente de son versant oriental tranche des couches qui sont faiblement pentées vers le sud (voir plus loin le cliché de son versant occidental) mais pas vers l'est, direction selon laquelle elles se montrent en réalité presque horizontales si on les examine en coupe est-ouest (voir le cliché ci-après).

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Les rochers sommitaux de la Pinéa, vus du nord depuis Canaple (cliché montrant le pendage des strates).
Observer l'inclinaison régulière, de 35°, de la pente du versant gauche (oriental) des abrupts sommitaux.

On peut s'interroger sur la raison pour laquelle les couches urgoniennes du versant oriental de la pyramide sommitale sont sectionnées en biais par une pente, globalement plane, qui est inclinée à 35°, alors que l'abrupt du versant ouest leur est pratiquement orthogonal. La première réponse qui vient à l'esprit est que l'on observe sans doute là un exemple de conservation d'un fragment de l'ancienne surface d'aplanissement qui est représentée plus largement aux Rochers de Chalves, de l'autre côté du vallon de Proveysieux (voir la page "Chalves").
Cependant la pente de cette surface y est plus faible (10°) et son prolongement orental la conduit à affleurer sensiblement le sommet du Mont Rachais, à 1250 m c'est-à-dire plus de 500 m en contrebas de celui de la Pinéa. Un telle interprétation n'est donc plausible qu'en admettant un basculement vers l'est et un surhaussement, de cette valeur au moins, du flanc oriental du synclinal de Girieux (que l'on peut d'ailleurs attribuer au chevauchement de la Chartreuse orientale).
Une déformation aussi importante est difficilement admissible si on lui attribue l'âge plio-quaternaire proposé par ailleurs pour cet épisode morphogénétique ; elle devient beaucoup plus si on considère qu'elle remonte à un épisode plus ancien, par exemple à celui, bien connu, de l'Éocène.

 Si la situation tectonique du synclinal de la Pinéa et son rôle dans le relief sont grossièrement comparables à ceux du synclinal du Néron, ils différent néanmoins par le fait que les panneaux urgoniens que l'érosion a respecté de ces deux plis ont une disposition différente, horizontale pour la Pinéa et pentée vers l'ouest pour le Néron. Cela est dû à ce que ces deux fragments de pli sont séparés, à la latitude de l'entaille transversale de la Vence, par le repli anticlinal de Leuilly, dont l'Urgonien n'affleure pas à la latitude de La Pinéa car ses couches y sont coupées en biais par le chevauchement de la Chartreuse orientale (voir les pages "Aiguille de Quaix" "Quaix" et "Écoutoux").
Ils ne sont donc pas le prolongement l'un de l'autre et c'est le synclinal de la Pinéa qui est susceptible de se poursuivre vers le nord par le synclinal du Grand Som qui affecte l'Urgonien de ce dernier sommet.

A/ Au nord du sommet c'est à peu près à la charnière du synclinal de la Pinéa qu'appartiennent les calcaires du Fontanil qui forment la crête boisée du Montfromage, et ce jusqu'à l'orée de la prairie sommitale. Mais ils butent, très précisément là, contre le Sénonien de l'écaille de Canaple qui forme le soubassement de cette prairie : ce pli y est donc tranché, en biais par rapport à son axe, par le chevauchement de la Chartreuse orientale.

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Les pentes septentrionales de la Pinéa, vues du nord, depuis l'antécime méridionale du Charmant Som.
Du sud (La Pinéa) vers le nord (Orgeval, Canaple) le soubassement de la montagne est de plus en plus profondément entaillé par l'érosion, en raison du plongement axial des structures vers le sud.
s.P = synclinal de la Pinéa ; a.CS = anticlinal du Charmant Som ; s.H = synclinal des Haberts ; a.F = anticlinal du Fournel. f.ME = faille de Montvernet orientale ; f.MW = faille de Montvernet occidentale.
Ø3 = chevauchement de la Chartreuse orientale (voir remarque ci-après) ; ØC = chevauchement de l'écaille de Canaple.


Deux remarques sont relatives au sectionnement transverse du synclinal de la Pinéa par le chevauchement de la Chartreuse orientale :
1 - dans les pentes septentrionales du Mont Fromage une lame discontinue d'Urgonien souligne cet accident ;
2 - Il ne s'agit pas à proprement parler du chevauchement lui même mais plus exactement d'un "décrochement du Montfromage", orienté NE - SW qui décale le tracé du chevauchement en le faisant passer du côté oriental de la crête (au nord) à son côté ouest (au sud )

Dans les pentes orientales du Mont Fromage, que traverse à mi-pente la route du Charmant Som entre le col de Porte et son tournant coté 1442 (voir la page "route pastorale"), il est difficile de suivre, en raison du couvert forestier, les accidents qui sont également observables sur la crête orientale, boisée, qui descend de la Pinéa, par la bosse de l'Husclas, jusqu'au col de Porte. Néanmoins les inversions de sens de pendage permettent d'y localiser au moins deux autres replis, anticlinal puis synclinal (d'ailleurs recoupés par deux failles presque N-S) : ils s'agit probablement des prolongements septentrionaux des replis de même style observables plus au sud à Sarcenas (voir la page "Quaix"). En tous cas eux aussi sont tranché en biseau du côté nord par le tracé du chevauchement de la Chartreuse orientale dans sa portion qui traverse en oblique les pentes à l'ouest du ruisseau que traverse le pont des Cottaves (voir la page "Col de Porte").

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Le versant oriental de la Pinéa vu du SE d'avion.
d.L = décrochement de Léra (cf. carte ci-après) ; d.S = décrochement des Salanches ; ØR? = chevauchement du Rivet (hypothétique) : f.C = faille du Coléon ; s.Pi = synclinal de la Pinéa ; f.MW = faille de Montvernet occidentale ; f.ME = faille de Montvernet orientale.

B/ Le versant sud de la Pinéa est également affecté par diverses complications, d'ailleurs souvent difficiles à voir en raison du couvert forestier : en premier lieu la crête méridionale est traversée par un décrochement de Léra qui passe immédiatement à l'extrémité sud de l'arête rocheuse sommitale de la Pinéa : il limite ses affleurements d'Urgonien et décale dans le sens dextre les autres cassures, orientées N-S. Ces dernières, au nombre de deux, ont des pendages sub-verticaux et sont donc sans doute de type extensif : elles se manifestent sur l'échine orientale, de Montvernet en dénivelant la limite entre Hauterivien et calcaires du Fontanil. En raison de son sens de rejet, c'est vraisemblablement le prolongement de la plus orientale qui dénivelle la barre des calcaires du Fontanil au revers est de l'éperon sud de la montagne.

Le pied de la montagne est entaillé par l'entonnoir de réception du torrent du Rivet qui montre clairement le détail de la structure au niveau de l'abrupt de Roches, entaillé dans les calcaires du Fontanil.

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Le versant méridional de la Pinéa (haut vallon du Rivet), vu du sud, depuis le sommet du Rachais.
f.bR = faille du Bois Ronzier ; d.L = décrochement de Léra (sur la gauche il est masqué derrière la butte 1481 des Prés de Quaix) ; f.S = faille (décrochement ?) des Salanches ; f.C = faille du Coléon ; s.P = synclinal de la Pinéa ; f.MW = faille de Montvernet occidentale ; f.ME = faille de Montvernet orientale.
s.mS (en bleu pâle) = grand synclinal "médio-subalpin" (orienté N45 son axe recoupe les autres plis en oblique).


On y voit que le synclinal de la Pinéa appartient en fait à un couple de plis en genou* déversé vers l'est, dont le flanc intermédiaire (mitoyen de ses deux plis) est rompu par une faille fortement pentée vers l'ouest dotée d'un un rejet de soulévement de sa lèvre ouest, anticlinale, par rapport à sa lèvre est, synclinale.
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Détails du synclinal de la Pinéa, au niveau des calcaires du Fontanil, vus du sud depuis la route D.57, entre Clémencières et Mélatte.
La zone fracturée qui affecte le flanc ouest de ce pli correspond vraisemblablement au prolongement septentrional de la faille du Coléon, décalé toutefois vers l'est par la faille des Salanches, orientée perpendiculairement au regard de l'observateur.
Observer le pendage très redressé des cassures qui affectent son flanc ouest ainsi que les accidents de détail observables plus à l'est, notamment les froissements dont les plans axiaux sont presque verticaux.

L'analyse de ce dispositif suggère les commentaires complémentaires ci-après :

1 - Ses particularités sont tout-à-fait inhabituelles par rapport à celles des autres plis tant pour son dessin très ouvert que pour son déversement apparemment "rétroverse". Une telle géométrie n'évoque pas celle d'un repli déjeté vers l'est : elle est par contre compatible avec son interprétation comme pli en genou* du flanc oriental d'un anticlinal coffré* dont le flanc ouest, opposé, doit correspondre à l'anticlinal en genou de Leuilly. Le pendage vers l'ouest que celaà implique pour la voûte d'un tel pli est évidemment attribuable au fait qu'il a été basculé dans le sens horaire (comme la généralité des autres structures), lors de la surrection de Belledonne .

2 - Sa situation est en outre exceptionnelle en ceci que l'on se trouve ici à peu près sur le tracé du grand synclinal méso-subalpin. Plus précisément ce basculement qui accroît les pendages vers l'est semble indiquer que l'on se trouve encore dans le flanc oriental de ce vaste pli, plus précisément, à ce point de vue, dans une situation comparable au versant oriental du Moucherotte , dans le massif du Vercors.

3 - De plus cette structure est très similaire à celle de la Draye Blanche et de la grotte Vallier qui affectent le pli en genou oriental de l'anticlinal coffré du Moucherotte. Leur contexte structural est d'autant plus comparable que dans les deux cas on se trouve peu à l'est du tracé du chevauchement de la Chartreuse orientale.

C/ Le versant occidental de la crête de la Pinéa tombe par de raides pentes boisées sur le vallon de Tenaison, que le ruisseau d'Abos rejoint à la latitude du village de Pomarey en entaillant l'extrémité méridionale du repli anticlinal du Mont Rachais.

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Le versant ouest de la Pinéa, vu de l'ouest - sud-ouest, depuis les pentes du Sappey de Proveysieux.
d.mF = décrochement du Montfromage ; Ø3 = chevauchement de la Chartreuse orientale ; ØC = chevauchement de l'écaille de Canaple ; d.L = décrochement de Léra ; s.G = synclinal de Girieux ; a.R = anticlinal du Rachais ; s0 = schémas indiquant le pendage des strates.
Les affleurements sénoniens inférieurs du Mont Fromage sont les témoins les plus méridionaux de l'anticlinal du Fournel qui esr le pli le plus occidental de l'anticlinal majeur de la Chartreuse médiane (voir la page "Girieux").


La partie raide du versant appartient à la Chartreuse orientale, mais le vallonnement qu'elle domine est déterminé par les molasses miocènes du synclinal de Girieux, qui appartient pourtant déjà au bord occidental du domaine chartreux occidental. Entre les deux on voit presque se terminer la lame d'Urgonien du chevauchement de Canaple, effilée par le sectionnement en biseau de ses deux lèvres.


Coupe du versant nord-ouest de la Pinéa
Sous le chevauchement de Canaple l'anticlinal du Fournel n'existe qu'au nord de La Pinéa, à partir du Montfromage.
Au sud ce sont les couches sub-verticales du flanc oriental du synclinal de Girieux qui affleurent sous le tracé du chevauchement. En outre son pendage semble plus redressé car son tracé traverse les ravins sans V topographique perceptible. Enfin ce tracé s'avère souvent jalonné par des intercalations de marnes oligocènes qui s'intercalent, stratigraphiquement donc, entre ce dernier et les conglomérats miocènes.

Mais la poursuite de cet Urgonien de l'écaille de Canaple est encore jalonnée plus au sud par deux petits copeaux émergeant sous les éboulis du pied des escarpements, le dernier sous la butte 1106 du Bois Ronzier. On est sans doute là bien près de son ultime terminaison, qui semble se faire par effilement tectonique et par débitage de cette lame en copeaux disjoints (leur disposition en chapelet porte à les considérer comme des "navettes" de décrochement*).

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La partie septentrionale du vallon de Proveysieux et le chaînon de la Pinéa
vus du sud - sud-ouest, depuis les falaises du plateau de Sornin.
a.R = anticlinal du Rachais ; s.G = synclinal de Girieux (branche orientale du synclinal de Proveysieux) ; a.F = anticlinal du Fournel ; s.Pr = synclinal de Proveysieux (se dédoublant au nord de Planfay) ; a.L = anticlinal de Leuilly ; s.Pi = synclinal de La Pinéa ; f.C = faille du Coléon.
Ø3 = chevauchement de la Chartreuse orientale ; ØC = chevauchement de l'écaille de Canaple.
Le tracé de la surface du chevauchement de la Chartreuse orientale traverse la ligne de crête entre la Pinéa et Canaple, puis plonge dans le versant en suivant, au sud de La Pinéa, la base stratigraphique des dépôts tertiaires (marnes oligocènes) de la bordure orientale du synclinal de Proveysieux.

On assiste donc, dès la latitude de la Pinéa, à la disparition de l'anticlinal de la Chartreuse médiane, dont la voûte de Sénonien est sectionnée en biais et débordée, plus au sud, par l'avancée relative du front du chevauchement de la Chartreuse orientale.

 On ne peut pas attribuer cette disparition à un simple enfoncement "en tunnel" de cette voûte de pli sous ce chevauchement car la lame de Sénonien supérieur de son flanc ouest se prolonge vers le sud (en chevauchant le tertiaire du flanc oriental du synclinal de Proveysieux) jusque et au delà du talweg de la Vence, directement sous les calcaires du Fontanil chevauchants. Il faut donc en conclure ce grand pli subit au nord de La Pinéa un sectionnement en biseau, similaire à celui qui affecte les plis de la tranche de roches chevauchante.
Mais on constate que, plus au sud, le tracé cet accident majeur, bien que qualifié de chevauchement, prend une surface de cassure qui se rapproche de la verticale et que, en même temps, elle s'identifie avec la surface de transgression des couches tertiaires.
En définitive cela signifie que cette frontière structurale a eu un jeu décrochant dextre (sous-estimé jusqu'à une date récente : voir à ce sujet la page "Quaix" et "Néron") et qu'il devait constituer une zone active, soulevée au point de constituer la bordure orientale du bassin sédimentaire miocène.


Coupe simplifiée à la latitude de la Pinéa.
sP = synclinal de Proveysieux ; aC = anticlinal du Charmant Som ; aEc = anticlinal de l'Écoutoux ; sS = synclinal du Sapey.


Ce secteur est visité par le fascicule n°1T des itinéraires d'excursions.


carte géologique au 1/50.000° à consulter : feuille Grenoble

version plus grande

Carte géologique du secteur de la Pinéa

Les dépôts quaternaires sont supposés enlevés.

 

voir la carte géologique du secteur situé immédiatement plus au nord (environs du Charmant Som).


 Carte géologique simplifiée de la Chartreuse au sud du Charmant Som.
(fond topographique d'après la carte IGN au 1/100.000°)

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