La Grande Moucherolle (2284 m) |
Cet élégant sommet est certainement (après le Mont Aiguille) celui qui est le mieux individualisé de tout le Vercors. Il s'élève au sud-est de Corrençon, et c'est autour de lui que rayonnent la plupart des pistes de cette station. Ses forts abrupts méridionaux ferment le cirque de Saint-Andéol, qui constitue l'extrémité septentrionale de la dépression de la Gresse.
Les traits principaux de la structure sont représentés dans les coupes ci-dessous. |
Ø = chevauchement passant sous le sommet de la Moucherolle ; a.M = anticlinal majeur de la Moucherolle ; s.F = synclinal
de la Fauge ; f.PO = faille du Pas de l'Oeille (pour plus
de détails à son sujet se reporter à la page
"Deux Soeurs"). |
Ces abrupts correspondent à la barre transversale d'une baïonnette par laquelle le rebord urgonien oriental du Vercors effectue une importante avancée vers l'est, depuis le Pas de la Balme jusqu'aux Deux Soeurs.
Le rebord subalpin à la latitude de la Grande Moucherolle vu d'avion, de l'est, depuis l'aplomb de Sinard Le rebord septentrional du cirque de Saint-Andéol est vu d'enfilade : Agathe masque la falaise qui court, sur1 km, entre elle et la Grande Moucherolle. f.B = faille (chevauchement vers l'ouest) de la Balme ; f.PM = faille (E-W, extensive) de la Petite Moucherolle ; f.A = faille (E-W, extensive) d'Agathe, prolongement, en fait, de la précédente ; f.O = faille (N-S, extensive) du Pas de l'Oeille ; f.dB = faille de la Double Brèche. Le redoublement de la barre tithonique, qui caractérise la dépression de la Gresse, débute seulement à gauche des limites du cliché ; celui de l'Éperrimont commence à droite de Prélenfrey : au niveau du Tithonique, la portion du rebord subalpin visible ici ne montre qu'une série stratigraphique continue, exempte de ce genre de complications. suite, vers le sud (vers la gauche), du panorama du revers oriental du Vercors. |
Du point de vue stratigraphique le secteur de la Grande Moucherolle se signale par le fait que les couches à Orbitolines y sont remplacées, au SE d'une ligne passant à peu prés par la gare de téléphérique de la "Cote 2000" (altitude 1720), par des calcaires bioclastiques roux. C'est pourquoi, dans la pyramide de la Grande Moucherolle, il n'y a pas de vire qui corresponde à ce niveau, à la différence de ce qui se passe plus au nord et à l'est,.
Les couches de ce niveau livrent en outre de nombreuses coquilles d'huitres, du genre Alectryonia (qui est une forme classique du Valanginien supérieur en Chartreuse). On en récolte notamment le long du chemin qui monte, depuis le départ du telésiège de l'Ourson, en direction du col des Deux Sœurs, dans les pentes du versant septentrional de la Moucherolle. |
Il est à remarquer, en outre, que les couches de l'Urgonien supérieur (Bédoulien) y sont presque partout décapées par l'érosion sur les hautes pentes, et qu'il n'en subsiste que de petits chapeaux, sur quelques éminences (comme la Grande Moucherolle, les Rochers des Jaux ou le sommet de la crête du Pas de l'Oeille) ou dans le creux du synclinal de la Fauge (galettes du Pré de l'Achard, dans le vallon du Clôt d'Aspres).
Enfin les calcaires bioclastiques commencent à envahir assez largement l'Urgonien inférieur et forment notamment la partie inférieure de la falaise massive urgonienne, tandis que le Barrémien inférieur s'épaissit à la faveur du développement d'alternances de marnes et de bancs plus calcaires (qui y prédomineront plus au sud).
Cette particularité est apparemment liée à la paléogéographie sédimentaire du Crétacé inférieur, selon un processus examiné dans la page consacrée aux rapports entre Vercors et basse vallée du Drac. Elle est également illustrée par la géométrie sédimentaire dans les Rochers du Gerbier. |
A/ Le versant sud doit son relief de falaises à ce que l'érosion y a tranché la voûte d'un vaste anticlinal très ouvert (auquel cette montagne donne son nom) qui plonge là de façon assez accentuée, vers le nord, de sorte que sa voûte urgonienne a été tranchée par l'érosion en un arc de cercle ouvert vers le sud.
Le versant sud de la Grande Moucherolle vu de profil, du SW, l'hiver, depuis la Roche du Coin. a.M = anticlinal de la Grande Moucherolle ; s.F = synclinal de la Fauge (ces deux plis sont vus très obliquement par rapport à leur axe, qui est presque perpendiculaire au regard ) f.A = faille d'Agathe : cette faille à composante de rejet extensif est vue d'enfilade (sa surface est orientée N.80). Elle traverse le synclinal de La Fauge et se prolonge au delà par la faille des Deux Sœurs. Son rejet vertical est plus important sur cette coupe que sur le versant est des Deux Sœurs : c'est en raison d'une composante de coulissement dextre qui lui fait juxtaposer ici les couches du flanc oriental (à droite) à celles du flanc occidental (à gauche). En outre elle se poursuit plus à l'ouest (dans le dos de l'observateur) par la faille de la Petite Moucherolle (voir la figure suivante). n.m. = niveau repère des marnes du Pas de la Balme. |
L'analyse attentive de ses abrupts urgoniens révèle en outre des détails tectoniques qui sont plus difficilement analysables . En particulier on y observe à son aplomb un chevauchement mineur dont le tracé descend au NW jusqu'à y rejoindre le "chevauchement de Combeauvieux" du pied de la station de Corrençon.
L'anticlinal de la Grande Moucherolle s'avère donc résulter en partie de cette imbrication interne qui accroit là l'épaisseur de l'Urgonien (à ce titre il peut être rangé dans la catégorie des "plis de propagation") mais il est sans doute surtout lié au redoublement y qui affecte les couches inférieur à l'Urgonien (notamment le Tithonique : anticlinal du Ménil) dans la haute vallée de la Gresse.
B/ Dans le versant nord de la montagne, la demi-voûte anticlinale de la Grande Moucherolle plonge régulièrement jusqu'au niveau des constuctions du pied de station du Balcon de villard-de-Lans, où elle bute contre l'extrémité sud du synclinal de Villard-de-Lans (par l'intermédiaire d'un cassure qui leur est oblique, la faille des Clots). Elle est par contre séparée du synclinal de la Fauge par une flexure anticlinale presque anguleuse, l'anticlinal des Jaux presque N-S. Mais, si ce pli et d'axe très clairement plongeant vers le nord lui aussi, il prend naissance entre la Grande Moucherolle et les Deux-Soeurs et s'épanouit sensiblement à la latitude de la station du Balcon du Villard, pour être brutalement tranché au nord par la faille des Clots et ne montrer aucun prolongement apparent au delà.
Le domaine skiable la station de ski de Villard-de-Lans (Les Glovettes) vu du nord, d'avion, depuis l'aplomb des Cochettes (pentes à l'est de Villard-de-Lans) s.C = synclinal du Cornafion ; f.Gw = faille ouest du Gerbier ; s.F = synclinal N-S de la Fauge ; a.Jx = anticlinal N-S des Jaux ; a.M = coupole anticlinale de la Grande Moucherolle ; s.O = synclinal de l'Ours ; s.o = synclinal de l'Ourson ; a.pM = anticlinal NW-SE de la Petite Moucherolle. f.Ch = faille de la Combe Charbonnière ; f.PO = faille du Pas de l'Oeille (voir la page "Deux-Soeurs") ; f.Cl = faille des Clots. Le synclinal de la Fauge est ici vu presque selon la direction de son axe, qui plonge vers le nord (vers l'observateur). Il est traversé en biais par la faille du Pas de l'Oeille mais cet accident ne le décale pas car il est antérieur (la surface de cassure est tordue en vrille par le synclinal). |
Une autre conséquence du plongement axial de ce pli est que son flanc ouest garde, dans tout ce versant, un pendage vers le nord-ouest (et non vers l'ouest) : les pentes de la Forêt de Villard, percées de lapiaz et zébrées de pistes de ski, correspondent, grosso modo, à la dalle structurale du sommet de l'Urgonien inférieur de ce flanc de pli.
L'arête qui descend du sommet vers le nord-ouest (localement percée en contrebas de la crête à "La Fenêtre", altitude 1900) est découpée des deux côtés dans une dalle structurale de l'Urgonien mais elle est pentée vers le NE car elle appartient au flanc ouest de synclinal de l'Ourson.
Les pentes nord-occidentales de la Grande Moucherolle, c'est-à-dire les pentes boisées de la Forêt de Villard, sont constituées par la dalle structurale du toit de l'Urgonien supérieur, qui plonge dans l'ensemble régulièrement en direction de Corrençon, en conservant une pente modérée. Toutefois cette surface est affectée par un synclinal de la combe de l'Ours et un synclinal de la combe de l'Ourson l'un et l'autre très ouvert (ils appartiennent chacun à une flexure en S, le premier associé à l'anticlinal des Jaux et le second à celui de la petit Moucherolle). Côté SSE il prennent naissance à la selle où convergent ces deux combes (et où il se rencontrent avec l'anticlinal des Jaux). Le premier a un axe N.170 (dirigé vers le bâtiments du Balcon) et le second plonge selon un axe N150 en direction de l'Étang du Lauzet.
À la partie basse du soubassement septentrional boisé de la Grande Moucherolle les pentes sont formées, jusqu'aux Rochers de Combeauvieux, par l'Urgonien presque sommital érodé le plus souvent en dalles structurales percées de lapiaz. Mais c'est d'une origine non tectonique que relèvent la plupart des autres ravines qui agrémentent ces pentes. Elles y sont, comme la Combe de l'Ours, bordées de petits abrupts qui représentent seulement l'entaille, en un crêt miniature, d'un banc rocheux formant le rebord d'érosion d'une dalle structurale.
Les Rochers de Combeauvieux : détail d'une
petite portion de la falaise
de ce nom, vue du sud-ouest, depuis la piste "des Moucherolles", 150 en amont
du pied des pistes. Il s'agit d'un abrupt de faille, dans lequel on distingue, en section, une faille de chevauchement (ØCv) à vergence* ouest, au sein même des couches urgoniennes (s0 =stratification). Le crochon qui se dessine sous la surface de chevauchement est vu presque dans son axe, orienté NE-SW, ce qui témoigne d'un cisaillement à vergence NW. |
Le tracé de la faille des Clots, bien visible aux abords de la station du Balcon de Villard s'y poursuit selon la direction N35 qui est celle de son tracé plus septentrional. Toutefois il semble y atténuer son rejet au point de l'annuler là où il rencontre le synclinal de l'Ourson aux abords de l'étang du Lauzet. Mais, encore plus au SW, la vaste dalle urgonienne du Bois de Villard est tranchée par la faille du Clot de la Balme, cassure sub-verticale orientée N.160 qui détermine le vallon en amont de la station du Clot de la Balme.
Or la coupe naturelle fournie par l'abrupt de faille de l'escarpement oriental de ce vallon révéle que cette dalle urgonienne y est affectée par un chevauchement de Combeauvieux à vergence NW si l'on se réfère à l'orientation de son crochon. Il est difficile de ne pas y voir le prolongement de la faille des Clots, ici recoupée et décalée par celle de Combeauvieux, même si son pendage subhorizontal différe un peu de celui plutôt penté vers l'est qu'on lui suppose à l'extrémité septentrionale de son tracé proprement dit (secteur de la Conversarie, au débouché du vallon de Machiret : voir la page "Col de l'Arc").
L'exploration des pentes qui s'élèvent vers le sud-est au dessus de ce point met en évidence les rapports de ces accidents avec ceux visibles sur les crêtes. En particulier le chevauchement observable environ 400 m en amont est de la station intermédiaire se trouve là à point nommé pour y représenter le raccord entre les deux chevauchements à caractéristiques d'azimut et de pendage similaires que sont celui de Combeauvieux et celui du Pas de la Balme.
Quoi qu'il en soit, cette association de cassures diverses avec la charnière anticlinale de la Petite Moucherolle constitue le dispositif par lequel on passe de la structure en pli en genou du chaînon de Grand Veymont à celle en synclinal coffré du Val de Lans (par l'intermédiaire de la demi-coupole de la Grande Moucherolle et de sa rupture par la faille des Clots). |
Voir, au sujet de cet ensemble de ce secteur, la page "Vercors nord-oriental".
Carte géologique très simplifiée du rebord oriental du Vercors à la latitude de Villard de Lans et de Vif
redessinée sur la base de la carte géologique d'ensemble des Alpes occidentales, du Léman à Digne, au 1/250.000°", par M.Gidon (1977), publication n° 074.
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