La Grande Sure |
Le sommet de la Grande Sure (1920 m.) est le point culminant du long chaînon qui constitue, entre la vallée du Guiers Mort et celle de l'Isère, l'imposante facade occidentale du massif de la Chartreuse (c'est elle qui attire en premier le regard lorsque l'on aborde les Alpes par l'ouest). En effet sa crête domine de plus de 1000 m de dénivelée les reliefs beaucoup plus modestes de la marge orientale du sillon molassique périalpin (sillon de Saint-Laurent-du-Pont et du col de la Placette et chaînon jurassien du Ratz).
La façade nord-ouest de la Grande Sure, vu de la vallée de Saint-Nicolas de Macherin (c'est sous cet angle que l'on distingue le mieux les rapports entre les divers accidents mineurs de ce versant de la montagne). d.Cp = décrochement du Portail de Chorolant ; d.Cs = décrochement sud de Chorolant ; f.cL = faille du Cul de Lampe ; f.J = faille (de chevauchement) de Jusson ; s.S = synclinal transverse de la Sure** ; a.E = anticlinal des Égaux. N.B. On remarque que, sous Jusson, la barre du Tithonique supérieur descend assez bas dans le versant, avant de remonter en rive nord du ravin de l'Hérétang. Ceci correspond au fait que le synclinal transverse de la Sure s'entrecroise là avec la voûte de l'anticlinal des Égaux, ce qui a pour effet de faire basculer vers l'ouest l'axe du premier de ces deux plis. ** voir la page "Chartreuse occidentale". |
Le versant occidental de la montagne est constitué
dans sa partie haute par la succession normale des couches, depuis les
calcaires du Fontanil jusqu'à la base de la barre calcaire tithonique (le Jurassique supérieur marneux n'y vient pas au jour). Cette dernière barre est d'ailleurs particulièrement épaisse (de l'ordre de 500 m, c'est-à-dire environ le double de ce qu'elle atteint en Chartreuse orientale).
Dans les escarpements inférieurs
ces couches jurassiques reposent sur la molasse miocène
du synclinal de Voreppe, dans laquelle est entaillé le col de la Placette. Ce contact "anormal" résulte du jeu d'une faille majeure, le chevauchement
de Voreppe (Ø1 sur
la coupe ci-après).
Le bord de la tranche de roches chevauchante s'y montre affecté
d'un anticlinal en genou déjeté vers l'ouest (dans
lequel il faut certainement voir le prolongement le plus méridional
de l'anticlinal des Égaux). |
En contrebas ouest des abrupts sommitaux le talus de prairies de Jusson et de Chorolant, installé sur les couches plus riches en marnes du Berriasien moyen et inférieur, laisse distinguer plusieurs accidents tectoniques de types différents. Il s'agit d'abord de la grande faille du Cul de Lampe, extensive, qui abaisse le compartiment portant la crête de la Sure, puis du petit chevauchement de Jusson (voir la coupe ci-après).
Le versant occidental des pentes sommitales de la Grande Sure, vu du sud-ouest, depuis le Pas du Mortier f.CL = faille du Cul de Lampe ; J = faille (de chevauchement) de Jusson La formation du Chevalon est d'âge Berriasien et correspond sensiblement à l'ensemble noté Be.mc dans les secteurs plus orientaux de la Chartreuse. Le faciès "calcaires du Fontanil" tend à occuper de plus en plus de place vers le bas de la succession en allant du sud vers le nord dans ce chaînon. Dans le détail on voit ici que les bancs les plus massifs des calcaires du Fontanil s'épaississent vers la gauche (ouest), où ils deviennent coalescents. Ils s'effilochent au contraire vers la droite entre des niveaux plus argilo-calcaires, garnis d'herbe, dans le sens indiqué par la flèche rouge. Cela est dû à ce que le dépôt de ces couches étaient alimenté par des écoulements de sables (formés de débris de coquilles) qui provenaient de l'ouest (du rebord de la plate-forme jurassienne). |
Le sommet de la Grande Sure se singularise par le fait qu'il est le seul sommet important de ce massif qui soit formé, non par de l'Urgonien, mais par des calcaires du Fontanil.
Cette particularité remarquable paraît résulter de deux phénomènes distincts, dont les effets se sont conjugués et dont les traces sont perceptibles lorsqu'on analyse la constitution et le relief de ce chaînon (voir ci-après) : |
Les abrupts sommitaux mettent bien en évidence la répartition des faciès plus ou moins calcaires (bioclastiques)* ou marno-calcaires qui constituent là les calcaires du Fontanil inférieurs (formation de la Rivoire) et la partie supérieure de la formation du Chevalon (voir la page "Le Fontanil"). Au voisinage de la crête sommitale les calcaires du Fontanil inférieurs forment une barre plus puissante car formée de faciès massifs, à rudistes, très proches de ceux qui sont communs dans l'Urgonien (et qui traduisent un environnement de dépôt subrécifal).
L'arête sud et le sommet de la Grande Sure, vus du sud, d'enfilade, depuis le sommet1838 des Rochers de Lorzier. Cette photo, prise selon l'azimut des strates, montre la coupe naturelle donnée par la transversale ouest-est du ravin supérieur de l'Hérétang (comparer avec la coupe des Rochers de Lorzier), dont le fond est masqué par les Rochers de Lorzier septentrionaux). Sous cet angle on voit que les bancs calcaires bioclastiques (faciès "calcaires du Fontanil") s'effilent dans le sens de gauche à droite et que les niveaux marno-calcaires dans lesquelles ils s'intercalent se réduisent et s'effilent dans le sens opposé : cette intrication des couches (que l'on a souligné de traits rouges) correspond au fait que les apports de sables bioclastiques provenaient de la gauche (c'est-à-dire du bord de la plate-forme jurassienne, situé plus à l'ouest). s.aplan. = ancienne surface d'aplanissement, oblique aus strates (voir le cliché et la coupe ci-dessous). Du point de vue chronologique cFs, cFm, cFCo et peut-être cFi se rattachent à l'étage Valanginien ; cChs, cChm et cChi se rattachent à l'étage Berriasien et appartiennent à l'ensemble noté Be.mc dans divers autres secteurs de la Chartreuse. L'emplacement précis de la limite entre ces deux étages, indiqué par deux tirets cernés de gris, n'est cependant connu qu'avec un certain flou. |
Le revers oriental de la crête sommitale est très typique de la forme de relief que sont les crêts car il est constitué de dalles structurales qui plongent vers l'est. Ces dalles sont toutefois imbriquées, du fait que les couches pendent un peu plus fortement que la pente topographique résultant de leur érosion et s'enfoncent à tour de rôle sous la strate plus récente. De ce fait toute la formation des calcaires du Fontanil finit par disparaître finalement sous les terrains plus marneux de la Combe hauterivienne du Col de La Sure et d'Hurtières (mais en fait il n'y a pas de rupture de pente brutale à la limite de ces formations et la limite que souligne le changement de végétation se trouve en contrebas de la base stratigraphique de l'Hauterivien).
Le versant sud-oriental de la grande Sure vu du sud, depuis la crête nord de Lorzier, à l'ouest du col d'Hurtières (au débouché amont de la cheminée de Lorzier). (voir le versant opposé, au nord du col de la Sure, à la page "Vache"). On remarque que le crêt urgonien de la Vache - Hurtières est beaucoup plus effacé que celui des calcaires du Fontanil de La Sure (voir la page Grande Vache). L'emplacement de l'ancienne surface d'aplanissement qui doit en être la cause est tracé en tirets bleus (s.aplan.). |
(figure plus grande) |
Les couches calcaires de la Sure (en grande partie à faciès "calcaires du Fontanil") peuvent être réparties entre 3 niveaux (pour les dénominations ci-après se reporter à la coupe de référence du Fontanil) : cFs = calcaires supérieurs ("à silex") brunâtres et à lits marneux ; cFm = partie moyenne des calcaires du Fontanil (= membres de la Rivoire et de Valetière) ; on peut y distinguer un niveau plus massif de calcaires francs à patine claire plus ou moins corraligènes qui est noté ici cFCo ; cFi = calcaires bioclastiques et argileux alternés en lits d'épaisseur irrégulière : ils correspondent apparemment à la base du membre de Valetière et à la partie supérieure de la formation du Chevalon (cChs= membre des Oullières). Au pied des escarpements occidentaux de la Grande Sure affleure la formation du Chevalon moyenne (membre du Peuil), à marnes et marno-calcaires prédominants (notée cChm) puis les marnes et calcaires argileux du Berriasien inférieur (membre de Sautaret, noté cChi). Du point de vue chronologique cFs et cFm se rattachent à l'étage Valanginien ; cChs, cChm et cChi se rattachent à l'étage Berriasien et appartiennent à l'ensemble noté Be.mc dans divers autres secteurs de la Chartreuse. |
Parmi ces multiples dalles structurales qui affectent le revers oriental de la crête de la Grande Sure, les mieux dégagées sont celles qui affleurent dans les escarpements qui dominent immédiatement les alpages. Ces derniers sont constitués de calcaires clairs lités dont on voit, notamment au nord de l'antécime 1896, qu'ils reposent sur les niveaux les plus massifs, subrécifaux (rattachables à la "formation de la Rivoire"), qui forment le sommet même.
Ce trait du relief concerne les pentes au sud du sommet ou, celles, plus au nord, qui tombent sur le ravin supérieur de Chorolant. Par contre entre le sommet proprement dit et son antécime nord (point 1896), il n'y a pas de vraie crête mais plutôt une large échine plutôt mamelonnée, percée de grandes dolines, typique d'un relief karstique. Il s'agit sans doute là d'un panneau résiduel du relief ancien, hérité de l'épisode d'aplanissement, préliminaire au creusement des vallées et au dégagement des crêtes, qui est évoqué plus haut. |
La crête septentrionale de la Grande Sure, vue du NE depuis le col de la Charmille. Entre le sommet et l'épaule 1853 le profil de la crête est sans doute peu rabaissé par rapport à celui que lui avait donné l'aplanissement ancien (dont la surface est actuellement doucement inclinée vers l'est). Par contre au nord de l'épaule 1853 la crête s'abaisse rapidement jusqu'au Cul de Lampe, qui correspond au plus creux de l'entaille remontante du ravinement pratiqué par le ravin de Chorolant (voir la page "Charmille"). |
Le profil de la crête au nord du sommet jusqu'au point 1853, c'est-à-dire sur plus de 1 km (cliché ci-dessus) se singularise par le fait que son altitude reste sensiblement la même : cela s'interprète de façon très satisfaisante en considérant qu'il s'agit là d'un tronçon de l'ancienne ligne d'intersection des couches par la vieille surface d'aplanissement qui n'a pratiquement pas été rabaissé par les encoches qu'y ont pratiqué plus au nord (Cul de Lampe) et plus au sud (La Velouse) les attaques d'érosion remontante des têtes de ravins du versant ouest.
Ce secteur est visité par les itinéraires du fascicule n°1S
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Trois Fontaines | LOCALITÉS VOISINES | Vache, Génieux |
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Grande Sure |
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